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48h pour l'idylle_

  • Writer: Alice
    Alice
  • Aug 14, 2024
  • 3 min read

La rencontre avec Khiva a finalement été moins idyllique que prévu. On m'avait promis un coup de foudre, c'est plutôt un lent apprivoisement mutuel qu'il a fallu chercher.

Pour belle elle est belle, Khiva. Dans la vieille ville, conservée dans ses murs comme un bijoux dans son écrin, tout est doux, lisse, paisible. Le ciel bleu sur les briques dorées et les carrelages turquoises, les terrasses accrochées aux murs en adobe, les cours bordées d'arbres où les rideaux autour des tables oscillent au vent délicat, la rondeur des coupoles et la grâce des minarets, tout semble sortir droit d'une rêverie orientaliste.

Hélas, cette beauté se paye: les touristes y arrivent par centaines et, comme la surface intra muros n'est guère étendue, la densité de monde au mètre carré n'est finalement pas loin de celle de la Nouvelle Delhi. À m'embêter davantage contribue le fait qu'il s'agit pour une très grosse partie de groupes organisés, ou de touristes à la valise à roulettes, bien apprêtés pour les photos dans leurs vêtements parfaitement repassés - ce que je trouve, dans mon snobisme de routarde, d'une obscénité absolue. Comme si ce n'était pas suffisant, ajoutons que trois sur quatre de ces touristes sont des italiens. Il semble que la dernière édition de Pékin Express Italie ait eu comme destination finale Samarcande, et que cela ait donné des idées à plus d'un. Voilà, il ne manquait plus que la télé pour gâcher mon existence.


En réalité je me raisonne assez vite sur ce point, car ne serait-ce juste un caprice d'occidentales que d'espérer que ces merveilles restent cachées au grand monde, rien que pour pouvoir épater la galerie au retour? De quel droit me sentirais-je autorisée à aimer Paris ou Florence avec leurs dizaines de millions de touristes, et pas Khiva? Pauvre Khiva, elle ne m'a rien fait.


L'autre source de tourments est que photographier Khiva constitue un défi de loin plus ardue que prévu. Les rues sont étroites, les édifices hauts, le soleil se reflète violemment sur les briques claires sans merci pour mon petit appareil. Quoi qu'elle soit l'heure, la lumière n'est jamais bonne, il y en a trop ou alors trop d'ombre, jouer d'exposition n'y peut rien, il a toujours un déséquilibre évident sur les images. Je passe mon temps à arpenter les ruelles, courant après le soleil (le côté est le matin, le côté ouest le soir, entre les deux autant renoncer), en espérant être au bon endroit au bon moment pour décrocher le bon cliché. Il me faudra deux jours et plusieurs milliers de pas pour prendre mes marques et arriver à quelques bonnes images.


Et néanmoins, au bout de 48h, quelque chose se pose enfin, complice une chouette conversation avec un jeune touriste italien qui m'invite à sa table dans un café à moitié vide. Même le monde ne me dérange plus autant, de plus qu'il suffit de quitter la rue principale pour retrouver le calme et plonger dans la vie quotidienne des près de 4000 personnes qui vivent encore aujourd'hui dans le centre historique. À un regard un peu entraîné, celle ci apparaît assez facilement: elle est dans les cris des enfants qui jouent dans la rue à la tombée du jour, sur les visages des hommes qui conversent autour d'un bol de thé, dans les mains des femmes regroupées à l'entrée des madrassas, qui discutent en faisant du crochet entre un contrôle de ticket et l'autre. Elle est étonnante cette normalité derrière les échoppes de souvenirs, les bâtons à selfies et les groupes bruyants, ce contraste entre la scène aseptisée des rue principales et la simplicité derriere les coulisses, avec les lessives faites à la main et les odeurs de cuisine qui sortent des portes entrouvertes. Il s'agit de prendre un peu de recul, gratter la surface, et savoir attendre.



 
 
 

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