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Coeur Karakapalke_

  • Writer: Alice
    Alice
  • Aug 14, 2024
  • 4 min read

La collection Stavitskiy est considérée la plus riche récolte de peinture d'Asie Centrale. Elle se trouve à Nukus, dans le musée qui porte le même nom.


Je m'accorde donc ce matin deux heures pour la visiter, avant de prendre mon départ pour Khiva, persuadée qu'elles seront amplement suffisantes. Je ne pourrais pas me tromper davantage: le musée est tout simplement magnifique, les œuvres vont des avant-gardes des années '30 aux contemporains des années '90, et surprennent avec leur explosion de couleurs et les sujets inouïs peints dans des styles familiers, qui rappellent tantôt les impressionnistes, Cézanne et Gauguin, tantôt le cubisme, les fauves ou bien l'expressionnisme, avec un clin d'œil à Chagall et Miro. Une des rares statues rappelle clairement "Le Penseur" de Rodin; l'auteur, tel Joltkevish, est d'ailleurs passé par Paris au début du 20ème siècle. Par contre, il a appelé son œuvre "Douleur", ce qui déplace plus ou moins subtilement le curseur de la dramatisation.

Je sors plus tard que prévu et à contre-coeur de cette perle cachée au fin fond des steppes ouzbèkes. Avec le tour sur la Mer d'Aral, voyage dans le voyage, ce musée est tout ce qu'il me fallait pour laisser au Karakapalkstan un morceau de cœur. Qui l'aurait cru.


La course en taxi pour Khiva est une expérience mémorable. Faute de véhicule qui va directement à Khiva, il faut s'arrêter à Urguench et sauter dans une autre voiture pour parcourir les derniers trente kilomètres. Les trois autres passagers sont un monsieur souriant sur la soixantaine et un jeune couple, tous ouzbèkes. Le garçon, qui s'appelle Alisher, parle un anglais parfait; il est venu de Tashkent voir sa copine qui vit à Nukus et aujourd'hui ils se rendent à Khiva pour se promener. Il est patron de trois hôtels dans la capitale, il a étudié économie et tourisme d'abord ici, puis à Riga et Stockholm. Il aurait voulu être steward sur les vols d'Emirates mais le destin en a voulu autrement. Pour 29 ans de vie, c'est pas mal.


Rapidement nous quittons Nukus par l'autoroute, qui est une simple route décemment goudronnée à deux voies. J'ai alors l'occasion de découvrir le code ouzbèke, que je parie être non écrit mais reconnu unanimement par les automobilistes: première règle, doubler plus vite possible tout ce qui se pare sur votre route, soit-il une petite bagnole ou un camion à remorque. Doubler les deux ensemble rapporte plus de points, si en plus au lieu d'être en file ils sont côte à côte, c'est jackpot. Ayant seulement deux voies à disposition, la voie rapide est un couloir vaguement situé à cheval de la ligne de séparation, partagé par les deux sens de marche. Si la route est libre, il faut rester sur la voie opposée et ça, le plus longtemps possible même si un poids-lourd avance droit dans votre direction. Quand vous l'evitez, l'écart entre les deux véhicules ne doit pas dépasser le mètre de largeur. Dernière règle, les limites de vitesse ne sont que dans votre tête. Je n'ai pas pu comprendre le sens des appels de phares que vous êtes priés de faire aux voitures qui vous foncent dedans, ils pourraient signifier "je t'ai vu, je gère, tu peux passer" tout comme "écarte-toi, je n'ai point l'intention de ralentir". Pour votre sécurité, persuadez-vous d'être Ayrton Senna sur sa McLaren, et attention à ne pas la confondre avec la Williams.


Nous arrivons tant bien que mal à Urguench. Avec Alisher et sa copine nous cherchons un autre taxi, qui se révélera un conducteur un chouïa plus raisonnable que le premier. Plus relaxés, nous pouvons poursuivre la conversation. Arrivés à l'entrée de la vieille ville, Alisher lui pose quelques questions. Il se retourne et me demande si je veux aller manger quelque chose avant d'aller à l'hôtel, le chauffeur peut nous déposer à un restaurant qu'il recommande. Il est déjà 15h et je n'ai pas déjeuné, c'est peut-être une bonne idée de mettre quelque chose dans le ventre.

Le restaurant est sur le bord de la route, il est énorme et ne crie pas la nouvelle cuisine. Avant que je puisse sortir le portefeuille, Alisher à déjà payé le taxi pour tous les trois. "Today - il me dit - you gonna be my guest".


À table j'essaie d'en savoir plus sur la fille, qui semble comprendre quelques mots d'anglais mais n'ose pas en prononcer. Je demande à Alisher qu'est-ce qu'elle fait dans la vie. Il prend une expression entre l'embarras et la perplexité et me répond qu'elle étudie quelque chose qui a à voir avec la littérature russe, mais il ne sait pas vraiment. Ils se sont rencontrés il y a un mois à peine à Tashkent, elle logeait dans l'un de ses hôtels. Elle l'a invité à Nukus peu après, et les voici ensemble. Sans le savoir, je me suis incrustée à un premier rendez-vous.


Je finis la journée avec une après-midi bien trop paresseuse dans les ruelles de Khiva. La tête remplie des images et des rencontres de ce derniers jours, je sors à peine l'appareil photo. J'aurai le temps pour saisir toute cette beauté; pour l'instant, je me contente de la respirer.



 
 
 

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