Il y a_
- Alice
- Aug 14, 2024
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Assise sur la terrasse de l'hôtel, en attendant de me rendre à ma séance de hammam, je laisse couler dans la tête les images de ces deux premières journées à Boukhara. J'ai du mal à distinguer entre celles d'hier de celles d'aujourd'hui, tout se mélange. Mille rencontres et mille coups d'œil, et j'en redemande.
Il y a la surveillante du petit musée de la céramique, qui en m'accueillant à été attirée par mon collier. J'ai sorti le traducteur, je lui ai raconté qu'il est fait avec un coquillage et qu'il vient du Pérou. En réponse elle m'a offert, toujours à l'aide du traducteur, une visite guidée et plein de conseils sur les incontournables de la ville.
Il y a le monsieur à la madrassa dans les quartiers modernes qui l'a ouverte pour moi et m'a emmenée aux étages; non, il ne l'a pas fait pour rien, mais entre-temps je suis montée sur le toit de ce magnifique ensemble, alors que tous les autres sont fermés.
Il y a la petite fille derrière la fenêtre, dans la vieille ville, qui a tapé dans la vitre en me voyant passer. Maman a ouvert avant d'aller se cacher, mais nous, nous avons échangé quelques mots et bien des sourires. Après nous être congédiées, elle a tapé encore et nous nous sommes dit encore au revoir. La troisième fois qu'elle a tapé, nous nous sommes envoyées une bise sur le bout des doigts. La troisième, les mains jointes en forme de cœurs, et ainsi de suite. Je parie qu'elle a frappé une fois de plus, mais j'étais trop loin pour l'entendre.
Il y a le chauffeur de bus à qui je demande, tant bien que mal, s'il va à Chor Bakr. Il se retourne vers sa femme (les bus ici sont des entreprises familiales) avec un air perplexe, puis il se retourne à nouveau et me demande avec un grand sourire: "Hey, how are you?". Je réponds: "Very very good", et nous éclatons de rire ensemble. Puis il arrive à me faire comprendre que le bus est le numéro 55 et qu'il s'arrête de l'autre côté de la route. Je l'attendrai une bonne vingtaine de minutes sous le soleil de 13h, et juste au moment où j'allais céder à la tentation du taxi, il se pare à l'horizon comme un bateaux pour le naufragé.
Il y a aussi le chauffeur du minibus qui me lance un appel de feux, lorsque je suis seule sur le bord de la route à Chor Bakr et je me demande comment je vais pouvoir retrouver un moyen de transport pour rentrer. Je m'approche, je demande "Boukhara?", sur quoi il me fait signe de monter avec une expression dépitée: où veux-tu qu'il me propose d'aller, moi, occidentale échouée dans la campagne ouzbèke, si ce n'est pas de me ramener à la civilisation?
(Chor Bakr, si vous vous le demandez, est une nécropole, anciennement lieu de pèlerinage, qui comprend outre le cimetière plusieurs mosquées, des foresteries, une madrassa, un hammam et plein d'autres bâtiments que je n'ai pas pu identifier. Y règne une paix absolue, grâce au fait que peu de visiteurs poussent leur chemin jusqu'ici, malgré qu'il ait le potentiel pour devenir une Giza version ouzbèke. Pour le moment c'est un lieu d'une grande poésie, baigné dans le silence, avec les énormes arbres de caroube qui se penchent lascivement sur les sépultures.)
Il y a le marché central, à l'image de Boukhara, avec ses larges allées bien entretenues bordées de merveilles. Tout comme en ville, point de chaos dans ce bazar, et pourtant une authenticité évidente.
Il y a ces couchers de soleil dont j'ai tant parlé et dont je ne me lasse pas dans ce Pays, et qu'ici à Boukhara sont davantage spectaculaires car les bâtiments changent de couleurs au changer de la lumière, et vont du jaune à l'argent au violet et au bleu à l'arrivée de la nuit. Je n'ai vu un tel spectacle qu'une autre fois dans ma vie, et c'était sur la cordillère des Andes au Chili.
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