Port de pêche_
- Alice
- Nov 6, 2018
- 2 min read
Updated: Jul 4, 2019
Mbour est le deuxième port de pêche du Sénégal. Il paraît que, du poisson pêché ici, une grosse partie soit aussitôt surgelée et envoyée en Europe pour finir sur nos tables le jour suivant.
Sauf qu'ici il n'y a pas de port. À la place il y a une plage qui s'étend à perte de vue, sur laquelle s'alignent, bien au delà du point de départ des pêcheurs, serrées et désordonnées comme des allumettes dans une boite, des centaines de pirogues colorées. La plupart d'entre elles sont étroites et peu profondes, mais certaines dépassent les trois mètres de haut. Elles peuvent porter jusqu'à quarante hommes et, dans le temps, c'était dans leur ventre que les émigrants rejoignaient les îles Canaries.
Chaque jour une grosse partie de ces embarcations prend la mer tôt le matin pour ensuite rentrer, toutes ensemble, vers 17h et donner vie à l'incroyable spectacle du marché du poisson de Mbour.
Je me rends au port pénétrant dans le marché central. Le échoppes débordent du trottoir sur la rue étroite où s'amassent visiteurs, vendeurs, motos, voitures et chariots à cheval. Un conducteur m'offre un regard condescendant lorsque je tarde quelque seconde de plus que le nécessaire à comprendre son signal et libérer le passage. C'est une évidence à ses yeux que je n'ai aucune idée de comment ça marche la vie ici.
Je trouve enfin l'entrée du port. J'ouvre mon chemin parmi les milliers de gens accourues pour sanctifier ce rituel exceptionnel et quotidien. Les femmes assises en groupe sous le même parasol sont les concubines du même homme et revendent le butin de sa pêche, ou moulent les coquillages pour en faire de la poudre aphrodisiaque que les chinois achètent en grande quantité. Il y a des jeunes qui vendent des sachets en plastique, un d'entre eux me demande en mariage. Au bord de l'eau les pêcheurs déchargent les derniers bateaux et emmènent sur la plage des caisses pleines de créatures marines de toute sorte. Les caisses passent de main en main et sont vidées par terre où le poisson est entassé et laissé sécher au gré des mouches et des oiseaux. J'ai le malheur poser mon regard au sol, je tourne la tête sur ordre de mon estomac avant même que le cerveau puisse comprendre: parmi les bris de sachets plastique et les arêtes, dans la boue, un florilège d'asticots blancs danse surexcité. Baudelaire aurait trouvé ici abondante matière de réflexion.
Quelques heures après nous nous préparons à dîner. Le plateau de ce soir est rempli de cous cous de mil et on y dépose des gros morceaux bien juteux. "C'est quoi ça?" "De la raie, fraîche du marché!".
Comments