À la recherche de la mer perdue_

C'est l'histoire d'un groupe d'hommes bons, appartenants au fier peuple karakapalque, et du sage G.G.G., grand géant gentil, qui sait calculer sur les neuf doigts qui lui restent combien de chameaux vaut sa voiture. C'est l'histoire de comment, avec le jeune professeur d'anglais, il nous conduisa au travers de cette terre oubliée de dieu, autrefois verte et peuplée d'humains et d'animaux. C'est l'histoire des caravansérails qui ponctuaient l'antique route de la soie, le long du bord du plateau de Ustyurt.

C'est l'histoire d'une ville, Moynaq, qui ne dormait jamais, de ses pêcheurs qui sans relâche bravaient les eaux pour ramener des tonnes et des tonnes de poisson, et de la prospère usine à cannettes qui pouvait fournir des conserves de poisson pour la Mère Russie entière. C'est l'histoire des fleuves Amu-Darya et Syr-Darya, qui furent deviées pour irriguer les immenses champs de coton, et qui arrivèrent à la mer très affaiblis.

C'est l'histoire du pêcheur qu'un jour s'aperçut que son bateau, auparavant amarré dans l'eau à quelques mètres du rivage, se tenait ce matin-là sur le sable mouillé. C'est l'histoire de ses compares qui se moquèrent de lui, en disant qu'il devenait fou, et de comment il durent, quelques années après, venir chercher leurs bateaux avec des camions, car l'eau de la mer était désormais salée et lointaine.

C'est l'histoire des ouvrières de l'usine à cannettes, qui perdirent leur emploi et furent obligées d'emmener les enfants loin de la maison, et d'essuyer les larmes en répondant à leurs questions : "Mère, où est passée notre mer?".

C'est l'histoire des tarières, qui vinrent chercher le gaz dans le ventre de la terre, là où il n'y avait plus d'eau, et des buissons plantés en urgence pour protéger les derniers habitants de Moynaq des tempêtes de sable, qu'ils n'auraient jamais cru voir sur la peau de leur terre.

C'est l'histoire d'un groupe d'hommes bons du fier peuple karakapalque, qui construisa un campement pour emmener les gens comme nous à la recherche de la mer perdue.

C'est l'histoire triste

de la mort lente

de la Mer d'Aral.